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Dans la métropole héraultaise, l’accès aux transports en commun se fait gratuitement depuis le 21 décembre. Une mesure au cœur de la victoire de la gauche aux municipales. Loin de freiner les investissements, elle s’accompagne d’une nouvelle ligne de tram, qui doit désenclaver des quartiers populaires d’ici la fin 2025.

Assise sur les marches de l’Opéra de Montpellier, place de la Comédie, sous un soleil de mars, Maé, 17 ans, n’en revient pas. « La gratuité des transports, c’est une vraie avancée. Cela me permet de ne plus payer pour aller au lycée. » À ses côtés, son compère Aurélien confirme : « La gratuité, c’est totalement “écolo friendly”. Cela fait partie des projets pour que les habitants se réapproprient les cœurs de ville, comme la piétonnisation. »

Bienvenue dans la métropole de Montpellier-Méditerranée, un territoire de 31 communes et 500 000 habitants, qui a basculé dans le libre accès à son réseau TAM de tram et bus le 21 décembre à 19 heures précises. « Ce soir-là, 15 000 personnes étaient présentes pour la cérémonie. J’en ai encore des frisons », se remémore, ému, l’édile Michaël Delafosse, faisant de Montpellier la principale métropole en Europe à mettre en œuvre cette mesure.

Mesure phare de la gauche aux municipales

Le socialiste, à la tête d’une liste de rassemblement avec les communistes et les radicaux, a fait de cette mesure son principal marqueur lors de sa campagne victorieuse en 2020. « Cette conviction résulte de deux mouvements sociaux majeurs : les gilets jaunes et les marches pour le climat, spectaculaires chez les jeunes, insiste le président de la métropole. Le rôle des responsables politiques est d’offrir des débouchés à ces colères. La mobilité coûte cher ? Permettons à chacun d’y accéder librement. » D’autant que, sur la métropole héraultaise, le trafic routier est responsable de 58 % des émissions de gaz à effet de serre, alors que 57 % des déplacements sont inférieurs à 3 kilomètres.

La mise en place est rondement ficelée. Elle a commencé six semaines seulement après le second tour des municipales, durant le Covid, par la gratuité les week-ends. « L’enjeu était double. D’abord démontrer notre détermination à appliquer la gratuité tout en redynamisant l’activité au cœur de ville, donc les commerces, en pleine crise sanitaire et sociale », glisse le maire.

Le libre accès pour les mineurs et les plus de 65 ans est arrivé dès septembre 2021. « Nous notons, lors de cette phase, une hausse de 10 % de la fréquentation, liés à l’activité des seniors », reprend-il. C’est notamment le cas de Laure, qui attend son tram : « J’ai vendu ma voiture, car je préfère dorénavant prendre les transports. La gratuité, c’est plus de liberté. Dans la ville, les parkings sont hors de prix. »

« Une famille de quatre économise un Smic net »

Fin 2023, la mesure est appliquée à l’ensemble des habitants. Suivant le modèle de la première capitale européenne à mettre en place la mesure dès 2013, Tallinn (Estonie), les Montpelliérains doivent se procurer le M’Ticket, à l’aide d’un justificatif de domicile, pour bénéficier du libre accès. Les non-résidents, eux, déboursent toujours 1,60 euro pour un titre de transport, « soit 35 % du coût réel d’un voyage », relativise Michaël Delafosse. L’occasion de réaliser des économies sur les bornes de rechargement, avec la suppression de 90 % d’entre elles, désormais disponibles uniquement aux endroits stratégiques (gares, stades, grandes places, hôpitaux…).

Les contrôles n’ont cependant pas été supprimés. « Nos craintes portaient sur l’impact de la gratuité sur différents métiers, dont celui des contrôleurs. Nous avons chiffré à 160 le nombre d’emplois incertains, mesure Laurent Murcia, responsable FO de la TAM. Des garanties ont été apportées. Le nombre d’agents sécurisant le réseau est passé de 80 à 110. » Ils sont désormais appuyés par une police métropolitaine, 42 agents prévus d’ici juin, déployés notamment lors des compétitions sportives ou le soir.

Une revendication du syndicat « impérative pour sécuriser le réseau », assume Laurent Murcia. « Les problèmes de sécurité dans les transports sont une réalité, notamment pour les femmes. Nous mettons le paquet contre le harcèlement, en ajoutant de la présence humaine. Avant, l’outrage sexiste n’était jamais relevé. La police métropolitaine s’est spécialisée là-dessus », abonde Michaël Delafosse.

Et le financement ? « La recette fiscale de la métropole est dynamique, forte d’un tissu de PME. Le versement mobilité, payé par les entreprises, a augmenté de 30 millions, sans augmentation du taux, du fait de notre attractivité économique. Elle permet de couvrir en totalité la gratuité », résume le maire. Une mesure saluée par le président de la chambre de commerce et d’industrie, lors de ses vœux : « La gratuité permettra de mieux irriguer l’ensemble des commerces de la métropole. »

Hervé Martin, président du groupe PCF à la mairie, complète : « Une famille de quatre personnes économise l’équivalent d’un Smic net, 1 470 euros par an. Alors, oui, les voyages en tram sont moins souples qu’avec une voiture. Mais à 2 euros le litre d’essence, la gratuité change la vie de nombreuses familles. »

Un nouveau tram pour désenclaver les quartiers populaires

Le communiste, adjoint chargé du sport, était ce mercredi 6 mars en déplacement dans le populaire Val-de-Croz, dans le sud-ouest de la ville. Ce quartier comme ceux de l’Ovalie, de la cité Gély ou du Pas-du-Loup étaient les grands oubliés du développement du tram. Mais d’ici la fin 2025, ces quartiers populaires seront totalement désenclavés grâce à l’arrivée de la ligne 5 les reliant directement au centre-ville, aux hôpitaux et aux universités.

Une nouvelle ligne de 16 kilomètres, 27 stations, pour une fréquentation prévue de 80 000 voyageurs par jour, chiffrée à 440 millions d’euros. Financée entièrement par la métropole, elle sera complétée par le prolongement de la ligne 1 jusqu’à la gare Montpellier-Sud-de-France et l’acquisition de 77 nouvelles rames. Sans compter l’arrivée de cinq lignes de bus électrique, en site propre, d’ici à 2025.

Sébastien Gomez, acteur associatif du Val-de-Croz, mesure les changements à venir : « La ligne 5 est une attente forte des habitants. Les personnes âgées pourront faire leurs courses plus facilement, et les familles se rendront au centre-ville. » Il poursuit : « Le musée Fabre sera à vingt minutes d’ici. Jusque-là, nous devions prendre deux bus et un tram. Alors, oui, le quartier est en travaux. Mais c’est un mal pour un bien. Avec l’arrivée du tram et la gratuité, les habitants sont doublement gagnants. »

Fort d’une quarantaine de salariés, son association, 3mTKD, s’occupe de près de 3 500 jeunes montpelliérains, de tous quartiers, au travers du soutien scolaire, la pratique du foot ou des vacances en colonie. Elle licencie plus de 1 000 sportifs dans la plus grande section de taekwondo de France. « Nous anticipons une hausse de 30 % des adhésions, nous obligeant à recruter des éducateurs, prévient Sébastien Gomez. Et pour nos déplacements, lors des compétitions, au lieu de rejoindre la gare en minibus, nous irons en tram. Nos athlètes, nos enfants seront les ambassadeurs de la mobilité. »

À Niort, la fréquentation a augmenté de près de 50 %

Trois mois après le lancement de la gratuité, Michaël Delafosse se laisse du temps pour dresser un premier bilan objectif. Cependant, les exemples de la réussite de la gratuité sont nombreux. Une mission d’information sénatoriale, diligentée par le groupe CRCE, chiffrait en 2019 à 29 le nombre de communes ou intercommunalités pratiquant la gratuité totale des transports collectifs. Précisant toutefois qu’une telle mesure est impossible à appliquer dans les réseaux lourds de transports (Lyon, Paris, Marseille…).

À Niort (Deux-Sèvres), passé en gratuité depuis 2017, la fréquentation a augmenté de près de 50 %, soit 2,2 millions de voyageurs supplémentaires annuellement. Dans une consultation en ligne organisée par cette mission d’information, 83 % des répondants se disent favorables à la gratuité totale, mais 63 % déclarent qu’en cas de moyens supplémentaires disponibles ces derniers doivent améliorer l’offre de transport payante. Enfin, le Luxembourg, premier pays à instaurer cette mesure, est présenté comme « la cerise sur le gâteau de l’intermodalité ».

« Je suis convaincu qu’au scrutin municipal de 2026 le débat démocratique portera sur la place de la gratuité des transports », estime Michaël Delafosse. À ce propos, Patrice Vergriete, le maire de Dunkerque, ayant acté la gratuité pour 200 000 habitants en 2018, a depuis hérité du portefeuille gouvernemental… des Transports.

source : L’humanité

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