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Dans son rapport annuel publié lundi 22 janvier, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes dresse un constat accablant de la construction du sexisme dans la famille, à l’école et sur le numérique, tout en insistant sur le décalage entre la prise de conscience des inégalités et des violences, et la persistance de cette attitude discriminatoire.

« Nous avons mis en lumière les trois secteurs dans lesquels le virus du sexisme était inoculé : essentiellement la famille, l’école et le numérique », résume Sylvie Pierre-Brossolette, présidente du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE). Dans son rapport publié le 22 janvier, le HCE décrit l’état inquiétant du sexisme en France, notamment chez les jeunes adultes, et constate le décalage entre la prise de conscience générale des inégalités et des violences et leur persistance, voire leur recrudescence. Avec un message fort : il est urgent de « s’attaquer aux racines du mal ».

Une incubation dès le plus jeune âge

Premier enseignement : Les stéréotypes de genres et les inégalités se construisent dès les premières années. Ainsi, le rapport indique que 70 % des femmes estiment ne pas avoir reçu le même traitement que leurs frères au sein de leur famille, alors que les parents pensent avoir traité leurs enfants de la même manière, toutes générations confondues.

 

Une différence de traitement qui persiste à l’école, selon près de la moitié des 25-34 ans. À l’école, « on crée des mondes, le monde des filles et le monde des garçons. La distinction sert une hiérarchie », analyse Édith Maruéjouls, géographe du genre. Elle opère à tous les niveaux : comportements, tenues, choix des activités, cour de récréation… pour devenir des mondes « imperméables ». Avec des conséquences : « Il faut s’attaquer à l’absence de relation qui fait violence plus tard », insiste la géographe. Le numérique alimente également massivement ces stéréotypes genrés, puisque selon le HCE, 92 % des vidéos pour enfants en contiennent.

Un phénomène toujours prégnant, notamment chez les 25/34 ans

« Le constat général est accablant », analyse Sylvie Pierre-Brossolette : 9 femmes sur 10 déclarent avoir subi une situation sexiste. Les proportions sont similaires pour les renoncements à des comportements visant à éviter d’être victimes de sexisme. « Malgré la conscientisation de toutes les générations, hommes comme femmes, sur la nécessité de l’égalité et de lutter contre les violences – 84 % de la population estime prioritaire la lutte contre le sexisme –, la pratique est complètement en décalage avec cette exigence morale et politique. C’est très frappant. » analyse Sylvie Pierre-Brossolette.

 

La catégorie des jeunes adultes est la plus préoccupante, selon la présidente : « Les conclusions de l’étude de cette année, malheureusement, corroborent et amplifient le diagnostic de l’année dernière : le sexisme reste prégnant, particulièrement chez les 25-34 ans. » Le rapport pointe une « résistance masculine », un véritable backlash. Ce retour en force des injonctions conservatrices, notamment à la maternité – 54 % des femmes de 25-34 ans la ressentent – et à l’assignation à la sphère domestique, est particulièrement présent sur les réseaux sociaux.

Et si 37 % des femmes déclarent avoir subi une relation sexuelle non consentie, toutes tranches d’âges confondues, ce taux passe à 50 % pour les femmes de 25-34 ans. Enfin, deux tiers des jeunes hommes déclarent s’inspirer du porno pour leurs relations sexuelles. « Quand on sait que 90 % des vidéos pornos contiennent des violences passibles du code pénal, selon la procureure de Paris, il y a de quoi s’inquiéter pour l’avenir des générations qui arrivent baignées et biberonnées au porno », ajoute Sylvie Pierre-Brossolette.

Le tonneau des Danaïdes

Des jeunes adultes qui ont ou auront peut-être des enfants, exposés à leur tour à ces représentations, avec un risque d’aggravation. « Ce sera le tonneau des Danaïdes. Si on n’agit pas au départ, on aura à l’arrivée des générations qui seront tout aussi violentes, sinon plus, que leurs aînées », craint la présidente du HCE. Tant qu’aucune action n’est menée à la source, le sexisme se perpétue. Un point de vue partagé par Édith Maruéjouls : « Ne pas agir sur la question égalitaire, c’est produire un système inégalitaire. C’est une question qui se pose de manière collective. »

La conclusion ? Agir sur tous les fronts où cela est possible. Le rapport formule ainsi trois axes de recommandations complémentaires : « éduquer » à l’égalité et lutter contre l’invisibilisation des femmes ; « réguler », particulièrement les contenus numériques et la pornographie ; et « sanctionner » de manière plus systématique et efficace. « Il y a évidemment une grosse responsabilité à l’Éducation nationale. Cependant, si on ne fait rien pour agir sur le numérique, il dominera tout », précise Sylvie Pierre-Brossolette, qui lance « un appel urgent aux pouvoirs publics afin qu’ils agissent, pour redresser la situation tant qu’il en est encore temps ».

source : L’humanité

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