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L’annonce, ce mardi 26 mars, d’un taux de déficit public de 5,5 % du PIB alimente tous les discours catastrophistes et risque de justifier les prochaines mesures austéritaires promises par le gouvernement.

 
 

Un jour, un historien s’essayera peut-être à raconter les quinquennats présidentiels à l’aune des réunions de crise de l’Élysée : même si elles n’accouchent pas souvent de décisions fracassantes, ces dernières disent toujours quelque chose de la manière dont le pouvoir met en scène l’actualité. Dans la soirée du mercredi 20 mars, une réunion s’est tenue en urgence dans les salons du Palais. Au menu, il n’était pas question de révolte dans les banlieues, ni de pénurie de carburant (les sujets de deux des dernières rencontres), mais du « dérapage » des comptes publics. C’est bien la preuve que l’heure est grave !

Les ministres et parlementaires macronistes étaient chargés de proposer des pistes pour réduire nos dépenses de toute urgence, afin de répondre aux mauvais chiffres à venir du déficit. Depuis des jours, le ministre de l’Économie nous prévenait que ledit déficit serait « significativement » supérieur aux 4,9 % du PIB prévus pour l’année 2023. Dans le même temps, une partie de la presse dramatisait la situation, quitte à nous promettre l’apocalypse : « Rigueur ou chaos, le piège budgétaire se referme », titrait par exemple le quotidien l’Opinion.

L’État français n’a aucun problème à se financer sur les marchés financiers

Le verdict est tombé ce mardi 26 mars : le déficit public s’élève finalement à 5,5 % du PIB, avec une dette publique à 110,6 %. De quoi relancer la machine à fantasmes. « C’est un effondrement de l’autorité de la France en Europe », ose Jean-François Husson, rapporteur du Budget au Sénat (LR). Après tout, le patron de son parti, Éric Ciotti, estimait lui-même, il y a quelques jours, que notre pays « empruntait le même chemin que la Grèce ».

En réalité, nous en sommes très loin. Déjà, parce que le poids de l’endettement est moins important qu’on le dit, du fait de l’inflation : lorsque les prix augmentent, les recettes fiscales de l’État aussi (c’est le cas, par exemple, de la TVA, assise par définition sur les prix à la consommation). Le PIB augmentant, le ratio dette publique/PIB s’allège d’autant. « Même si personne n’en parle, le taux de dette sur PIB a baissé en 2023, pour passer de 111,9 % en 2022 à 110,6 % en 2023 », souligne François Geerolf, économiste à l’OFCE.

nsuite, même si la dette publique a fortement augmenté depuis le Covid, elle reste parfaitement soutenable, ce qui signifie que l’État français n’a aucun problème à se financer sur les marchés financiers. Le 21 mars, l’Agence France Trésor (AFT), chargée de placer de la dette tricolore (trouver des acquéreurs sur les marchés) a encore emprunté près de 12,5 milliards d’euros en obligations de moyen terme (titres de dette à rembourser d’ici à 2031), soit le montant espéré par l’AFT. Et le tout à des taux d’intérêt très faibles, compris entre 1,5 % et 2,5 %. De nombreux ménages rêveraient de s’endetter dans de telles conditions…

« La France est à des années-lumière de la situation dans laquelle s’était retrouvée la Grèce… »

Pour juger de la confiance des investisseurs, la meilleure chose à faire est de comparer le taux moyen auquel nous empruntons (2,84 %) avec celui auquel emprunte l’Allemagne, considérée comme le « meilleur élève » de la zone euro en la matière. La comparaison est flatteuse : l’écart est actuellement de 0,48 point seulement et ne semble pas près de s’envoler.

« Pour le moment, il n’y a pas de tension particulière sur la dette française, confirme Thomas Renault, maître de conférences à Paris-I et spécialiste en finance. Les investisseurs disposent toujours de beaucoup de liquidités à placer et les dettes souveraines demeurent des actifs très sûrs : une fois qu’on a acheté des titres français, par exemple, on peut s’en servir comme garanties pour ses opérations. » Et de conclure : « Aujourd’hui, la France est à des années-lumière de la situation dans laquelle s’était retrouvée la Grèce… »

Cela n’empêche pas le gouvernement, toujours déterminé à ramener le déficit sous la barre des 3 % du PIB en 2027, de continuer à annoncer des coupes dans les dépenses publiques : 10 milliards d’euros ont déjà été programmés pour cette année, auxquels devraient s’ajouter encore 20 milliards pour 2025. Et, sans surprise, ce sont les dépenses sociales (assurance chômage et santé) qui sont désormais dans le collimateur.

« D’une certaine façon, le gouvernement s’apprête à récupérer, sous forme de baisses des dépenses, ce qu’il a octroyé aux entreprises depuis 2017, pointe David Cayla, membre des Économistes atterrés. Dans notre dernier livre1 , nous estimons à 37 milliards d’euros les baisses cumulées de l’impôt sur les sociétés, des impôts de production et l’extension du Cice. » Autant de ristournes qui ont contribué à creuser le déficit…

Cyprien Boganda

Source : L’Humanité

  1. D. Cayla, P. Légé, C. Ramaux, J. Rigaudiat, H. Sterdyniak, Penser l’alternative. Réponse à quinze questions qui fâchent, Fayard, 2024.

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